samedi 8 décembre 2007

Nuit aux chandelles pour les otages colombiens

Bogotá, le 7 décembre 2007. Nuit des chandelles dans le parc Usaquen, en soutien aux otages, aux morts et aux disparus du conflit
colombien, victimes des paramilitaires d'extrême-droite, de la guérilla et de la terreur d'Etat. Photo D. Fellous/Libre arbitre
Hier, une centaine de personnes se sont rassemblées dans le parc Usaquen, au nord de Bogotá, pour la Noche de Velas, veillée aux chandelles, en soutien aux colombiens victimes du conflit intérieur, morts, disparus ou otages des acteurs armés illégaux, guérillas d'extrême-gauche, groupes paramilitaires d'extrême-droite et maffias criminelles. 

Photo D. Fellous/Libre arbitre
Photo D. Fellous/Libre arbitre




Photo D. Fellous/Libre arbitre
Parents et proches de victimes ont allumés des centaines de bougies, comme une "lumière de solidarité" devant les portraits des absents, avant d'écouter les interventions de quelques personnalités, dont la mère de Clara Rojas, l'amie et assistante de la franco-colombienne Ingrid Betancourt, enlevée en sa compagnie par les FARC le 23 février 2002, sur une route du Caqueta.

Photo : D. Fellous/Libre arbitre

samedi 30 juin 2007

Comité de Mujeres de Inzá : la difficile conciliation entre la lutte pour l’émancipation féminine et celle pour l’autonomie paysanne

Située à l’est du Cauca, un département au sud-ouest de la Colombie, à 500 kilomètres de Bogota, Inza est une municipalité montagneuse constituée d’une population de 20'000 habitant·e·s à majorité paysanne. Depuis quelques années, cette région est un peu plus épargnée par la violence du conflit qui déchire le pays depuis des décennies et qui s'accompagne aujourd'hui encore de milliers de disparitions et d'assassinats, qui touchent en tout premier lieu les leaders syndicaux·al·s et paysan·ne·s, mais aussi les militantes des organisations de femmes. Comme de nombreux mouvements sociaux en Colombie, l’Association paysanne de Inza-Tierradentro (ACIT) est engagée dans un processus de résistance pacifique face à la militarisation du territoire et aux assauts des multinationales. Lors des élections municipales de 2003, l’ACIT obtenait une victoire historique en soufflant la Mairie au pouvoir traditionnel libéral-conservateur[1]
 
Organisé au sein de l’association paysanne, le « Comité de Mujeres »[2] a vu le jour en 2000, lorsque plusieurs femmes de la communauté se sont réunies pour créer une liste en vue de l’élection au Conseil municipal. L’idée était de chercher des espaces de participation politique pour faire valoir leurs capacités de leadership. Ce processus électoral et participatif marque la naissance du Comité qui compte aujourd’hui près de 200 femmes.

Alix Morales Marin. Photo : D.R.
Les bases de l’action collective
 
Alix Morales Marin, militante de 39 ans qui se bat depuis des années pour faire reconnaître les droits des femmes, est une des fondatrices du Comité. Elle est également mère de deux enfants et travaille en tant que coordinatrice des programmes sociaux à la Mairie. Au moment de ces élections, elle se présente sur la liste des femmes et siège ainsi au Conseil municipal de 2000 à 2003, alors que la municipalité est alors encore aux mains de la droite. L’initiative de départ visait à améliorer les conditions de vie des femmes, ce qui signifiait de les former aux niveaux politique et pratique. Un diagnostic de leurs besoins est dressé concernant l’acquisition de connaissances et leur envie de développer des projets. Se rassembler leur a permis d’ouvrir les yeux. Elles constatent que, malgré la diversité des situations (paysannes, indigènes, enseignantes, femmes au foyer, etc.) elles partagent les mêmes problèmes : maltraitance et violence intrafamiliales, harcèlement, surcharge de travail, sous-valorisation, manque d’auto-estime. 
 
Pourtant, il apparaît rapidement qu’en dehors du Conseil municipal, il faut que le Comité se donne d’autres moyens d’agir. « Que faire avec une Conseillère municipale au milieu de treize hommes franchement machistes qui n’allaient pas nous donner l’opportunité de nous exprimer ? », questionne Alix. Rien n’allait être obtenu par ce biais. Il fallait s’organiser à la base, se regrouper, partager des connaissances et faire entendre leurs revendications. 
 
Dès le premier événement organisé le 8 mars 2000, l’affluence s’est révélée au-delà des espérances. 700 femmes étaient attendues et ce ne sont pas moins de 1300 qui ont participé à la rencontre ! Malgré les nombreux problèmes logistiques et financiers auxquels elles doivent faire face, elles mesurent avec satisfaction leur importante capacité de rassemblement, alors qu’il est habituellement difficile de faire sortir les gens de leur village, de leur maison. Grâce à cela, elles gagnent en crédibilité. Après cet événement, elles se déplacent de village en village pour mettre en route tout le travail politique et organisationnel afin d’aider les femmes à se rassembler, se conscientiser et se former. Des ateliers sur les droits humains, les droits des femmes et sur les questions liées à la sensibilité féminine, à l’auto-estime et à l’équité de genre sont notamment mis en place.
 
Ce processus leur permet peu à peu de prendre conscience de l’oppression que subissent les femmes dans leur vie quotidienne. Alix explique : « Nous travaillons aux champs et parfois aussi en ville comme employée domestique pour améliorer ou assumer le revenu familial. Nous participons à des réunions (à l’école, groupes de femmes, Association de parents, ACIT, Association indigène, etc.), et prenons en charge la totalité du travail domestique ». Et pourtant, malgré l'importance du travail abattu, elles demeurent les plus pauvres d'entre les pauvres. Très peu d'entre elles possèdent leurs propres terres. Celles-ci appartiennent généralement à des propriétaires terriens, à leurs maris ou compagnons. Et alors qu’elles aident ces derniers aux travaux agricoles, leur salaire ne leur revient que rarement en mains propres, lorsqu’elles sont rémunérées. A la maison, le travail domestique est toujours considéré comme naturel et donc non reconnu ni valorisé. « On considère souvent que le fait de rester à la maison, de s’occuper des enfants, de passer le balai, la serpillère, d’assumer des grossesses et des accouchements, ne représente rien ! Lorsqu’il n’est pas rémunéré, le travail des femmes n’est pas reconnu, même si elles se lèvent les premières et se couchent les dernières. Et puis, le travail reproductif, c’est aussi la transmission des savoirs, de la culture, des valeurs, de tout ce qui forme la société et qu’il est possible de changer en éduquant nos enfants. Avant toute chose, les femmes doivent reconnaître elles-mêmes la valeur de ce travail ». 


"On travaille tant pour la communauté et à la fin ce sont les mêmes que toujours qui
décident. Unissons-nous pour décider !"-"Je suis lasse de passer la journée à la
maison à cuisiner, laver, repasser... Et personne ne reconnait mon travail. Unissons
nous pour discuter !"-"Avec tous les besoins de la maison et le peu qu'ils nous
payent pour les récoltes, je vais devoir laisser les enfants pour partir chercher un
travail à la ville. Unissons nous pour changer !". Photo : D.R.
Une campagne contre l’oppression
 
C’est ainsi que les membres du Comité se lancent dans la mise sur pied d’une campagne pour la reconnaissance et la dignité du travail reproductif, productif et politique des femmes[3]. En juillet 2006, celle-ci démarre par une grande manifestation. Afin de sensibiliser la population, les femmes placardent les murs d’affiches aux messages percutants qui passent également sur les ondes de la radio locale. Dans les villages de la municipalité, une multitude d'ateliers de sensibilisation et de formation se met rapidement en place. Les femmes se réunissent pour parler de leur quotidien, atteignant ainsi un des buts de ces ateliers : créer des lieux de rencontre. Leurs journées de travail ne leur offrent généralement ni les espaces ni le temps nécessaires pour se retrouver, même entre voisines. Grâce à ces échanges, un renforcement de la dynamique des femmes de la communauté se met en place, en leur permettant de s’organiser. Une brèche d'expression et de réflexion est ainsi ouverte sur l'importance de leur travail au sein des sphères privée et publique. Peu à peu, elles prennent conscience de la nécessité de déconstruire leurs pratiques quotidiennes et de transformer la répartition traditionnelle des rôles. « Notre but est ainsi de faire prendre conscience aux femmes que si nous souhaitons un réel changement, une société moins machiste, nous devons commencer par nous transformer nous-mêmes », témoigne Alix.
 
"Femmes unies pour la dignité de notre travail... politique, productif, et reproductif. Unissons-nous pour discuter,
pour changer, pour décider. Comité des femmes de Inzá". Photo : D.R.
 
Le 16 avril 2007, les réflexions des femmes et leurs propositions de changement sont rendues publiques lors d’un grand événement de clôture de la campagne. L’appel est large et se sont plus de 2000 personnes qui occupent au final la place centrale d’Inza, certaines ayant parcouru des centaines de kilomètres pour venir soutenir leurs camarades. La manifestation se veut un appel à la communauté pour susciter une prise de conscience et pour que ces questions deviennent l'affaire de toutes et tous[4]

Photo : D.R.
Cuisiner c’est résister !
 
Réapprendre à préparer certains aliments dont l’usage avait été perdu, tel était le but des ateliers de cuisine organisés dans le cadre de la campagne, à l’occasion des fêtes de Noël de l’année 2006. Plus globalement, ces ateliers font partie d’une réflexion autour de la souveraineté alimentaire. Cette question, au cœur des préoccupations du Comité, est directement liée aux deux piliers de l’identité paysanne, à savoir l’autonomie et le territoire. En effet, les cultivateurs de café sont contraints à la monoculture sur la totalité de leurs terres, par des contrats passés avec les multinationales. Alors, obligés d'acheter ce qu'ils consomment, ils perdent leur indépendance alimentaire et doivent affronter carences et malnutrition. Les femmes, en tant que mères de famille, ont été pionnières dans la remise en question de cette situation. Désireuses d’enrichir l'alimentation familiale quotidienne et de susciter une prise de conscience au sein de la communauté, elles s’appliquent à encourager le développement des cultures vivrières et le recours à la production locale, plutôt que de consommer des produits industriels importés par Coca-Cola, Knorr, Maggi, etc. Cela implique de réapprendre à cultiver, mais aussi à préparer ces aliments. Elles ont ainsi développé des potagers communautaires et substitué les boissons gazeuses industrielles par des jus de fruits. Cette réflexion sur la consommation leur permet de faire des liens avec les grands traités de libre-échange imposés par les Etats-Unis (ALCA, TLC) et avec la globalisation. Au-delà des discours, c’est aussi dans la pratique que les femmes ont choisi d’ancrer leur résistance. 

« Nous ne sommes pas féministes »
 
Pourtant, face aux revendications qui animent leur lutte, elles ne se reconnaissent pas dans le féminisme. « Nous ne travaillons pas contre les hommes, affirme l’une d’entre elles, mais contre le système capitaliste et patriarcal qui assigne aux femmes des rôles inférieurs. Je vois le féminisme comme un rapport conflictuel avec les hommes. Moi je trouve qu’il vaut mieux essayer de rester dans l'échange pour modifier leur manière de penser et d'agir. Je ne me considère pas féministe parce que j'aime les hommes en tant que tels ». Des propos surprenants qui peuvent cependant se comprendre face aux fortes pressions de la communauté. Les femmes du Comité cherchent avant tout à convaincre de l'importance de leur travail et de leur démarche, tout en restant intégrées et respectées. Prudentes, elles adoptent un discours – et surtout des termes – au ton plus modéré, adaptés aux circonstances. 
 
Les femmes du Comité se trouvent prises dans un paradoxe, entre la croyance d’une spécificité féminine « naturelle » et la conviction que les différences de genre sont issues d’une construction sociale ; entre leur volonté d'émancipation et la difficulté de se distancier des traditions et du pouvoir qu’elles ont acquis au foyer. Une des militantes du Comité me l’affirme : « Nous croyons que les femmes possèdent une essence féminine, une sensibilité face à des problèmes à caractère social, économique et culturel ».

"Depuis la maison, depuis le jardin, depuis le groupe organisé, nous les femmes construisons le mieux-être
de nos communautés. Femmes ensemble pour la dignité de notre travail. Photo : D.R.

 Une double lutte difficile à concilier
 
Le refus de s'identifier au féminisme semble aussi lié à son origine occidentale. Impliquées dans la lutte contre le néo-colonialisme et la militarisation du territoire colombien, les femmes du Comité se méfient des modèles importés du Nord. Une posture qui se retrouve également dans de nombreux mouvements sociaux. L'anti-impérialisme s'accompagne souvent d'une valorisation des traditions et de la « colombianité ». On assiste ainsi à un certain renforcement du nationalisme pour affronter les multinationales, les traités de libre commerce (TLC, ALCA) et les Etats-Unis, symbole de l'oppression capitaliste. Difficile, dès lors, pour les femmes, de critiquer frontalement des schémas traditionnels perçus par la communauté comme pierre angulaire de son identité.
 
De manière générale, les femmes peinent à faire respecter leur lutte, continuellement reléguée au second plan. Ce n'est pas seulement face à leurs maris et compagnons qu'elles doivent se battre, mais face à des structures qui les dépassent largement. En outre, leurs camarades masculins de l'association paysanne, sous des abords politiquement corrects, ne les soutiennent en réalité que du bout des lèvres, quand ils ne font pas franchement preuve de mauvaise volonté. Pourtant, le Comité représente un apport précieux pour l’association et le travail communautaire, particulièrement au niveau de sa capacité de mobilisation et des questions relatives à la souveraineté alimentaire. 
 
La situation des femmes d'Inzá, loin d’être une exception, reflète la condition de la plupart des femmes dans le monde. En Colombie comme ailleurs, et comme les mouvements de femmes en ont souvent fait l’expérience au cours de l’histoire, toute la difficulté reste pour elles de se mobiliser sur deux fronts à la fois. D’un côté, combattre un système patriarcal oppressif envers les femmes. De l’autre, lutter avec leurs compagnons, contre l’impérialisme capitaliste et la violence qui sévissent en Colombie. Un double combat qui entraîne nombre de contradictions parfois difficiles à concilier.

[1] Malheureusement, lors des récentes élections en octobre 2007, la Mairie est repassée aux mains de la droite.
[2] « Comité des Femmes ».
[3] Cette campagne s’intitule « Mujeres en junta, por la dignidad de nuestro trabajo » (Femmes unies pour la dignité de notre travail).
[4] Les femmes du Comité sont néanmoins soumises à de nombreuses pressions. Les gens de la communauté ont accusé le Comité d’être la cause de l’échec des mariages et les femmes de mauvaises mères. « On entend encore souvent que notre place n’est ni dans les organisations politiques, ni dans la rue, ça porte préjudice à la famille ! », témoigne une membre du Comité. Pourtant, loin de négliger les tâches domestiques et grâce à leur inventivité et à une grande solidarité, elles assurent, au contraire, sur tous les fronts à la fois. Malgré la pression, elles ne se sont pas découragées et grâce au travail collectif et à leur ténacité, elles gagnent peu à peu la confiance et la reconnaissance de la communauté.

lundi 23 avril 2007

La Nacho : l'Université Nationale de Bogotá

L'Université Nationale de Bogotá, la Nacho,  réserve toujours des surprises au flâneur qui erre sur son campus. Quand l'air n'est pas vicié par les gaz lacrymogènes des ESMAD (police anti-émeute) et qu'il ne résonne pas des explosions des papas (grenades artisanales confectionnées par les étudiants en chimie), cet ensemble universitaire tranquille et verdoyant est un lieu de promenade agréable. 

Bogotá, mars 2005. Distribution de tracts par des étudiants masqués à l'Université Nationale. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Au centre, la place du Che, ainsi baptisée par les étudiants, voit un immense portrait du célèbre révolutionnaire argentin s'étaler sur la façade d'un amphithéâtre.

Bogotá, mars 2005. Paix, Amour... et cocktail Molotov.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Certains éditorialistes se sont émus dans la presse du symbole douteux que transmettait la présence de cette apologie d'un guérillero au sein de l'institution publique représentant le savoir officiel, alors même que le pays vit depuis si longtemps dans la guerre civile, et que  l'on y compte encore deux guérillas importantes, sans compter plusieurs petits groupes formés d'irréductibles issus d'anciens mouvements ayant  déposé les armes au début des années 90. L'administration fit alors effacer la fresque, déclenchant immédiatement une grève des étudiants et un blocage total de l'université sur le mot d'ordre que "si la place n'est pas du Che, elle n'est de personne".

Après un dur conflit et de nombreux affrontements entre la police et les militants des organisations d'extrême-gauche, la situation a fini par revenir au point de départ, si ce n'est que le nouveau portrait d'Ernesto Che Guevara fait désormais face à celui de Camilo Torres, le prêtre sociologue, ancien aumônier de l'Université Nationale, ayant abandonné sa soutane dans les années 60 pour rejoindre les rangs de l'ELN, une guérilla d'inspiration castriste où il trouva la mort lors de son premier combat, quelques mois plus tard, et dont il demeure la principale figure.

Autant dire que les esprits chagrins ayant lancé la polémique ont du en avaler leur plume (ou leur ordinateur portable) de dépit...



Bogotá, mars 2005. Etudiants devant un portrait de Camilo Torres sur la Place du Che, à l'Université Nationale.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Bogotá, mars 2005. Joueur de softball à l'Université Nationale.
Photo : D. Fellous/Librearbitre
Sous le regard de ces deux icônes révolutionnaires, les étudiants trainent ou s'activent. On discute entre amis, on débat entre camarades ou contradicteurs, on joue au softball, on improvise un concert, on distribue des tracts, on répète une pièce de théâtre, on pratique la Capoeira ou le Taï-chi, et parfois même on organise un repas communautaire autour d'une immense marmite chauffé à un feu de bois allumé à même la place... 

De l'esplanade partent d'innombrables allées, desservant les différents bâtiments :  médecine, droit, économie, sciences humaines, sociologie, mathématiques,  littérature, sciences et techniques,... Des petits parcs et des placettes invitent partout à s'asseoir pour boire un café en regardant l'activité étudiante. Dans le dénommé "Jardin de Darwin", l'air se parfume de l'odeur douceâtre de la Marijuana, et il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer les nombreux groupes d'étudiants assis en cercle dans l'herbe et savourant un petit joint entre deux cours ou effectuant quelque négoce illicite à la sauvette. 

Plus loin, certains inventent des petits métiers moins réprouvés par la justice et la morale pour financer leurs études. Comme partout en Colombie, on vend des minutes de téléphone, des cigarettes à l'unité, du café en thermos, des sandwichs ou même des plats préparés que les étudiants commandent à leurs camarades pour le lendemain. Des étals s'alignent le long des allées proposant de l'artisanat, des bracelets, des DVD de films et de programmes informatiques piratés, des livres d'occasion...
 

Bogotá, mars 2005. Graffiti à l'Université Nationale. "Ne collectionnes pas les livres, lis-les". Photo : D. Fellous/Libre arbitre
 
Les murs aussi offrent leur lot de lecture, théâtres du combat quotidien entre des graffiteurs à l'imagination féconde et une administration qui semble préférer la peinture unie aux fresques et slogans politiques.

Bogotá, mars 2005. Graffiti à l'Université Nationale. "Recherché. Si tu le vois, suis son exemple". Photo : D. Fellous/Libre arbitre

On en appelle à tous les héros du peuple, et l'étranger peu au fait de l'histoire du conflit colombien pourrait croire lire une blague qui n'existe pas dans le graffiti qui suit. Bateman n'est pas le vengeur masqué déguisé en chauve-souris qui hanta les pages des comics avant de s'envoler vers de plus lucratives aventures à Hollywood. Il s'agit en fait de Jaime Bateman Cayon, fondateur  en 1974 du M19,  un des nombreux mouvements de guérilla colombien, et son dirigeant jusqu'à sa mort en 1983 dans un accident d'avion.

Bogotá, mars 2005. Graffiti à l'Université Nationale. "Camilo (Torres), Marx, Lénine, Che (Guevarra), Trotsky, (Simon) Bolivar,  
 (Jaime) Bateman : Pardonnez-nous car nous ne savons pas ce que nous faisons..."  Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Les mots d'ordre sont parfois empreints d'un pragmatisme (et d'un second degré) dont devraient s'inspirer les groupuscules d'extrême-gauche français.

Bogotá, mars 2005. Graffiti du Movimiento Porque Te Quiero Te Amo (Mouvement Parce Que Je T'aime Je T'aime).
"Pour l'unité : revendiquons les orgies". Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Au détour d'un petit bois, on arrive dans une zone laissée à l'abandon, l'herbe devient haute, de vieux bâtiments tombent en ruine, il y a un petit lac, où plutôt un grande mare, avec une vieille barque, et même si parcourir la Nacho donne toujours cette impression de sortir de Bogotá, on se croirait plus loin de la ville encore. 

Bogotá, mars 2005. Andres, étudiant à l'Université Nationale. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Et là, près de l'Ecole Vétérinaire, paissent quelques chevaux et une demi-douzaine de vaches. Mais pas n'importe quelles vaches, des vaches à hublot ! Par cette ouverture, les étudiants-chercheurs peuvent accéder aux estomacs (au nombre de quatre comme chacun sait) de la vache et récupérer leur contenu a des fins d'analyse. Surprenant et impressionnant !

Bogotá, mars 2005. Une vache "percée" sur le campus de l'Université Nationale. Photo : D. Fellous/Libre arbitre