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dimanche 7 octobre 2012

Tournée européenne du Congreso de los Pueblos

En Suisse


Du 21 au 26 octobre Marylén Serna Salinas, une des plus importantes dirigeantes du mouvement populaire colombien sera en Suisse. Marylén vient pour parler de la réalité colombienne et notamment du travail du Congrès des Peuples (El Congreso de los Pueblos) et des autres secteurs du mouvement social, à la recherche d’une paix qui soit participative et porteuse de changements vers une justice sociale.

La dirigeante sociale colombienne réalisera la conférence « Le mouvement social colombien vers une proposition de paix participative » à Lausanne (22.10), Zurich (23.10), Neuchâtel (24.20), Berne (25.10) et Genève (26.10) à 19h30 (plus d’informations dans le Flyer)


                       

                        Congreso de los Pueblos: proposition de pays pour une vie digne.


Le Congrès des Peuples (Congreso de los Pueblos) est un processus social et populaire qui prend forme tout au long du territoire colombien. Composé de milliers de personnes, de centaines d’organisations issues de diverses régions, de nombreux secteurs et de dynamiques variées : les travailleuses, les travailleurs, les paysans, les paysannes, les saisonniers, les journalières, les filles et les fils de la terre, les peuples indigènes, les descendants d’Afrique, les femmes dignes et libres, les pêcheurs en mers et en rivières, les livreurs, les taxis et les camionneuses, les étudiantes, les professeurs et les éducatrices populaires, les expériences de résistance au capital, à l’Etat et à la guerre, les pauvres, les marginalisés, les exclues, les artistes et les artisanes.
Ce sont mille voix, résistances et initiatives nées de la diversité sexuelle, des habitants de la rue, des quartiers, des ceintures de misère des grandes villes, des communicatrices et communicateurs populaires, des détenus et détenues dans les prisons, des défenseurs des droits humains, des croyants en nos dieux, des croyantes en la justice, des absentes et des victimes, des enfants, du rire, de l’imagination illimitée, des jeunes qui résistent à l’oppression d’un système policier, enfin, de tout le pays, des peuples qui y vivent.
Le Congrès des Peuples construit notre identité à partir de la diversité, recueille les expériences accumulées des mouvements sociaux et fait le pari de rassembler et d’interpeler le pays populaire pour entreprendre, par des actions communautaires issues de mandats des communautés mêmes, les constructions nécessaires pour défendre les territoires urbains et ruraux et retrouver une vie digne.
Pour avancer vers cette Colombie digne que toutes et tous nous méritons, le Congrès des Peuples part d’une critique radicale du capitalisme –modèle de vie non viable- et remet en question toute la rationalité qui structure nos précaires systèmes sociaux actuels. Le Congrès des Peuples travaille –à partir des réalités locales et régionales-à la construction d’une pensée nouvelle et d’une nouvelle dynamique qui rétablissent l’équilibre social et naturel de la Colombie en particulier et de la planète en général.

Axes et mandats de travail

Ce processus social, populaire et politique concrétise cette vision par des mandats qui expriment la volonté populaire et concernent les axes de travail suivants :
Terre, territoire et souveraineté dans une vision d’autonomie et d’autodétermination issue des communautés.
Economie au service de la vie et contre la législation de la spoliation : Affronter le modèle de production basé sur la spoliation et l’inégalité et travailler pour construire une autre logique économique, portée par les gens en accord avec la nature. Le Congrès des Peuples refuse l’économie extractive, l’exploitation minière à grande échelle, les monocultures, le négoce sur les matières premières et la stratégie de militarisation et de contrôle territorial qui accompagne ces projets.
Construction de pouvoir pour le bien vivre compris comme processus et comme moyen pour libérer les potentialités de la vie, sociale et naturelle, qui permettent de récupérer son intégrité et son harmonie.
Culture, diversité et éthique du commun
. Le Congrès des Peuples cherche à donner de la force aux valeurs chères à celles et ceux qui réellement portent le poids du pays, donnant corps à une éthique qui respecte et renforce la vie et repousse la mort, à une culture qui rompe avec l’oppression
patriarcale, pour l’équité de genre, le respect et la protection des droits sexuels et reproductifs des femmes, et pour une vie sans violences. Il s’agit de construire des valeurs et une éthique qui privilégient le bien commun sur l’appât du gain et d’instaurer une culture de la solidarité.
Vie, justice et cheminement vers la paix. Pour construire un pays pour toutes et tous, il est nécessaire de parier sur la paix et la justice. Le déséquilibre social, économique, politique et culturel imposé constitue l’essence du conflit. Pour cela, la résolution du conflit ne peut être ni conjoncturelle ni partielle, mais ne peut que partir du caractère de la vie même et de la nature de ses relations.
Violation des droits et accords non tenus : Tous ces derniers siècles, les accords que les mouvements sociaux et politiques ont conclu avec les gouvernements ont été ignorés, trahis, rompus et tergiversés. De la même façon, nos droits ont été systématiquement violés et méconnus. Comme exercice de mémoire qui renforce et donne un fondement à notre lutte, nous devons rendre compte de la manière dont nos intérêts ont été bafoués.
L’union des peuples et la globalisation des luttes. Le Congrès des peuples travaille dans une perspective continentale et mondiale pour renforcer la diversité, la force et la capacité des peuples pour construire un monde meilleur et aussi pour contribuer aux luttes pour un monde nouveau.

En route pour l’unité du mouvement populaire colombien

Le Congrès des peuples travaille et lutte pour l’unité des mouvements sociaux et politiques qui expriment et représentent les intérêts populaires. Il reconnaît les importantes initiatives que sont le Polo Democrático Alternativo, la Marcha Patriótica, la Mesa Amplia Nacional Estudiantil (MANE), le Mouvement de Victimes de Crimes d’Etat (MOVICE), les syndicats, la Coalition de Mouvements Sociaux de Colombie, entre autres, et travaille avec ces mouvements à la construction d’un projet politique d’unité populaire. La solidarité et la fraternité dans les luttes populaires et dans les processus de construction locaux, régionaux et nationaux sont un des mandats du Congrès des Peuples.
Actuellement le Congrès des Peuples fait partie de la Coordination Nationale d’Organisations Sociales et Politiques de Colombie et de la Ruta Social Común para la Paz.
En chemin, le Congrès des Peuples développe des espaces tels que le Congrès de Terres, Territoires et Souverainetés, le Congrès de l’Education, le Congrès de Paix et le Congrès des Femmes, en même temps qu’il commence à articuler des initiatives d’organisations urbaines.

Marylén Serna Salinas

Femme paysanne, dirigeante du Mouvement Paysan de Cajibío (MCC) et de la Coordination Nationale Agraire(CNA). Elle a dédié sa vie à l’animation d’organisations de femmes, de jeunes, de victimes de crimes d’Etat, d’enfants et de producteurs biologiques, toujours dans l’idée de construire des propositions de développement alternatif dans le département du Cauca, sa terre natale.
Marylén est une des promotrices du Plan de Vie Digne pour Cajibío, est porte-parole nationale de la Minga de Résistance Sociale et Communautaire de Colombie et fait partie de la Commission d’Articulation et Relations du Congrès des Peuples.


 




mardi 19 juin 2012

Ouvrir les Yeux


Le dimanche 1er juillet, au Palais des Congrès du Touquet, vous avez l'occasion de vous offrir une belle photo, tout en soutenant la recherche médicale. L'association Ouvrir les Yeux y organise une vente aux enchères de tirages au profit de la lutte contre les maladies du nerf optique. 


137 images produites par des photographes au nom parfois prestigieux - comme Marc Riboud, Jane Evelyn Atwood ou Jean-Marc Bugat, et j'en passe - mais aussi par une nouvelle génération de photojournalistes moins connue du grand public mais tout aussi talentueuse, avec, parmi d'autres, Florence Gaty, Corentin Folhen, Lizzie Sadin, Cyrus Cornut, Fréderique Jouval, Guillaume Collanges, Jeromine Dorigny, Cedric Faimali...
  
Vous pouvez voir un diaporama du catalogue de la vente en ligne ou le télécharger en pdf (10 Mo).
 
Le résultat de la vente, sous l'égide de Maître Henri Anton, sera reversé pour moitié à l'association et pour moitié au photographe.
Alors tout ça est très bien, et 'ouvrir les yeux',  c'est ce qu'essaye aussi de faire ce blog à sa façon, mais quel rapport avec la Colombie, me direz vous... ??



Et bien tout simplement, parmi les photographes participant à la vente, et aux côtés de ses collègues Fabrice Dimier et Guillaume Plisson, du collectif Libre arbitre,  figurera le principal contributeur de photos de Colombia Tierra Herida, Damien Fellous, qui y proposera un tirage extrait de sa série Les Guérill'Ados de l'ELN, un sujet effectué entre 2007 et 2008, récompensé par un coup de cœur à la Bourse du Talent Reportage en 2008 et par le prix spécial du jury aux Days Japan International Photojournalism Awards en 2009. 

Colombie, 24 décembre 2007. Katia et Liza, jeunes guérilleras de l'ELN (Ejercito de Liberacion Nacional, Armée de Libération Nationale).
Sur le t-shirt de Katia on peut lire l'inscription floue "Demasiado sexo nubla la vista" (Trop de sexe trouble la vue).
Tirage 50x75 cm, contrecollé sur une planche d'aluminium de 2 mm. Photo : D. Fellous/Libre arbitre.

Et comme les 50% du produit de la vente revenant au photographe lui serviront à financer les prochains reportages qui nourriront les posts de ce blog, en achetant ce tirage, vous soutenez à la fois la recherche médicale et la presse indépendante !! 

Deux bonnes actions pour le prix d'une, et un tirage de qualité dans votre salon en prime, que demande le peuple ?

jeudi 31 mai 2012

Libre !

Un court post pour nous réjouir de la libération de notre collègue et ami Roméo Langlois, de retour à Bogotá hier soir après avoir passé un peu plus d'un mois retenu dans un campement des FARC dans le Caqueta. 

Bogotá, le 31 mars 2012. Le journaliste français Roméo Langlois (à droite) est accueilli par son collègue Simone Bruno, correspondant
 comme lui de France 24 en Colombie, à son arrivée à l'Ambassade de France où il s'apprête à donner une conférence de presse au
lendemain de sa libération après avoir passé plus d'un mois retenu dans un campement des FARC. Photo : D. Fellous/Libre arbitre



Nous reviendrons plus tard sur les circonstances de cette rétention et de cette libération, sur les propos tenus par Roméo lors de sa remise à une équipe du CICR puis lors de la conférence de presse de ce matin et la polémique qu'ils ont immédiatement provoqué, sur les commentaires malveillants effectués par l'ex-président Alvaro Uribe Velez à travers son compte Twitter, et enfin sur les répercussions politiques de toute cette histoire et son impact éventuel sur la possibilité d'ouvrir un processus de paix dans le pays.

Nous publierons également rétroactivement un post écrit une semaine après sa disparition, dont il avait été jugé préférable de différer la mise en ligne afin de ne pas prendre le risque d'interférer avec les diverses démarches en cours pour avoir des information sur le sort de Roméo et tenter d'obtenir sa libération rapide.

Mais pour l'instant, nous nous limiterons à une seule chose : exprimer notre joie et notre soulagement de voir Roméo de retour parmi nous, sain, sauf, et surtout en forme, avec un moral d'acier, un humour mordant et une détermination journalistique intacte.


¡ Bienvenido a casa, hermano !


dimanche 29 avril 2012

Le journaliste Roméo Langlois disparaît dans le Caqueta

      Après quatre mois de silence, Colombia Tierra Herida reprend du service pour une actualité douloureuse. Notre confrère et ami Roméo Langlois, dont nous avons déjà loué le travail dans une note de ce blog est porté disparu depuis hier, alors qu'il suivait pour France 24 une unité de l'armée colombienne en mission dans le Caqueta pour détruire des laboratoires de fabrication de pate base de coca.
 
Roméo Langlois au carnaval de Barranquilla en février 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

      Peu après avoir été déposés sur zone en hélicoptère, à quelques kilomètres seulement du lieu de l'enlèvement d'Ingrid Betancourt il y a tout juste 10 ans, les soldats sont tombés dans une embuscade que leur tendaient des guérilleros des FARC. Le combat a duré plusieurs heures et les militaires y ont laissé quatre morts et une dizaine de blessés. D'après le ministre de la défense colombien qui s'est exprimé dans une conférence de presse aujourd'hui, Roméo aurait vu le soldat chargé de sa protection mourir à ses côtés et aurait lui-même été blessé au bras avant de retirer son casque et son gilet pare-balles et de se mettre à courir en direction des guérilleros. Le gouvernement français, par la bouche d'Alain Juppé, assure qu'il est prisonnier des FARC, tandis que pour le colombien il est pour l'instant simplement considéré comme disparu...

      De notre côté, on conjure les forces armées colombiennes de ne pas lancer d'opération destinée à le libérer et qui ne ferait que mettre inutilement sa vie en danger quand on sait que les FARC ne retiennent en général pas les journalistes et qu'elles ont d'ailleurs déclaré il y a quelques mois renoncer totalement aux enlèvements de civils, en conséquence de quoi si réellement Roméo est aujourd'hui entre leurs mains, on peut raisonnablement espérer le voir réapparaitre parmi nous sous peu, le temps d'organiser les conditions "logistiques" de sa libération. La question la plus préoccupante étant peut-être celle de sa blessure, et de la possibilité qu'il a eu de recevoir des soins dans des délais suffisants. Mais ce qu'on espère par dessus tout,  c'est l'entendre nous raconter lui-même très vite les détails de cette histoire, avec la gouaille et la désinvolture qui lui sont si propres.

  

Te esperamos aqui hermano !



jeudi 21 juillet 2011

Gros dégâts à Toribio après l'attaque des FARC contre le poste de police

Après l'attaque simultanée attribuée aux Farc de positions de l'armée et de la police dans une demi-douzaine de villages du Cauca  la semaine dernière, causant plusieurs morts, civiles et militaires, ainsi que d'importants dégâts matériels, en particulier à Toribio ou une Chiva-bombe a explosé près du poste de police, pulvérisant plusieurs dizaines de maisons alentour, Colombia Tierra Herida a décidé d'interrompre les vacances bien méritée de sa rédaction pour l'envoyer enquêter sur place. Nous vous livrerons ici leur reportage dès leur retour, d'ici là voici juste quelques images des dégâts visibles à Toribio.

Colombie, le 20 juillet 2011. Un membre de la garde indigène à Toribio, dans le Cauca, après les violents affrontements
entre la guérilla et la police qui ont causé la mort de plusieurs civils, ainsi que la destruction de dizaines de maisons
du village. Photo D. Fellous/Libre arbitre


Colombie, le 20 juillet 2011. Maisons de civils détruites après de violents affrontements entre les Farc et la police
colombienne à Toribio dans le Cauca. Sur le t-shirt on peut lire "Quelle honte la guerre".
Photo D. Fellous/Libre arbitre

Le poste de police de Toribio, dans le Cauca, Colombie, après l explosion d une chiva'bomba, un camion piégé, le 20 juillet 2011.
Photo D. Fellous/Libre arbitre

mardi 24 mai 2011

L'ONU terrifiée par l'ampleur de la disparition forcée en Colombie


Bogotá, le 1er mai 2008. Panneau à la mémoire de militants de l'Union Patriotique, disparus ou assassinés à la fin des années 80.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Le site de l'hebdomadaire Semana rapporte que lors d'un séminaire sur la disparition forcée se déroulant hier à Bogotá, le représentant en Colombie du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l'Homme (OHCHR) Christian Salazar a révélé que le parquet colombien aurait connaissance de plus de 26.500 cas présumés de disparitions forcées dans le pays, sur un total de 57.200 disparitions documentées par le Registre National des Disparus au cours des trois dernières décennies, des chiffres qui indiquent "une ampleur terrifiante" du phénomène.

Bogotá, le 1er mai 2008. Des manifestants ont jetés
des os ensanglantés sur les marches du Sénat.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Ayant rappelé que la spécificité des disparitions forcées, en comparaison d'une "simple" disparition, est qu'elles sont "commises par des agents de l'État et les forces paramilitaires qui collaborent avec elles", et souligné qu'elles étaient "une des violations aux Droits de l'Homme les plus graves qui existent et que la Colombie, malheureusement, souffre d'un record alarmant dans l'exécution de ce crime", Christian Salazar a déploré le peu de réceptivité du Ministère de la Défense et de l'armée  colombienne aux multiples recommandations émises par  son bureau les enjoignant de mieux collaborer avec la Justice et d'aider à identifier les disparus. "Les opérateurs judiciaires en Colombie possèdent le cadre normatif qui leur permet de remplir l'obligation d'enquêter, juger et sanctionner les responsables de disparition forcée", a-t-il dit, citant différentes conventions internationales  relatives aux Droits de l'Homme ratifiées ces dernières annnées, mais "la lutte contre l'impunité n'a pas connu les mêmes progrès". Détaillant les données détenus par le parquet, qui font état de 3.000 femmes et autant de jeunes de moins de 20 ans parmi les victimes, le représentant de l'ONU a répété que la Colombie était l'un des pays d'Amérique Latine et du monde comptant le plus de disparitions forcées. Près de 4500 de ces disparitions ont été avouées par des ex-paramilitaires en contrepartie d'une amnistie ou de réductions de peines lors du processus de démobilisation dans le cadre de la loi "Justice et Paix" votée en 2005. Apparues dans les années 80, ces milices paramilitaires, financées par le trafic de drogue mais aussi parfois subventionnées par de grands propriétaires terriens et même par certaines multinationales,  se sont pour la plupart regroupées au milieu des années 90 au sein des AUC (Autodéfenses Unies de Colombie). Censées combattre la guérilla, elles ont la plupart du temps mené une guerre d'assassinats et de massacres, ciblant les membres de la population civile suspectés de collaboration ou même de sympathie avec la subversion, ce qui englobait - bien au delà des insurgés - syndicalistes, journalistes, militants d'ONG, leaders communautaires, juges, intellectuels de gauche, humoristes, militants politiques, et le plus souvent simples paysans et leurs familles. Des dizaines de milliers de morts, souvent démembrés à la tronçonneuse et parfois même brûlés dans des fours crématoires.

Photomontage : © D. Fellous/Libre arbitre

Les révélations sur ces plus de 25.000 cas de disparitions imputables à la Force Publique venant donc peu après celles concernant les 173.000 cas d'assassinats commis par les paramilitaires documentés entre 2005 et 2010 par la Justice colombienne, il semblerait que le silence concernant la Guerra Sucia (guerre sale), jusqu'ici à peine troublé par le travail incessant des quelques ONG travaillant sur le sujet et de journalistes ou militants locaux payant trop souvent de leur vie leur engagement, il semblerait , donc, que cette chape de silence soit en train de se fissurer au niveau national et international. Il serait plus que temps.
 

jeudi 19 mai 2011

La Cour Suprême débranche l'ordinateur de Raúl Reyes

Les procès liés au scandale de la Farcpolitique (1), qui touchent notamment l'ex-sénatrice du Parti Libéral Piedad Cordoba, viennent de connaitre un sérieux coup d'arrêt avec la décision prise hier par la Cour Suprême de Justice de ne pas reconnaitre les preuves issues des ordinateurs de Raúl Reyes. 

En effet, lors de l'enquête visant Wilson Borja, un membre du Polo Democrático Alternativo (Pôle Démocratique Alternatif, gauche plurielle), les juges de la plus haute instance pénale du pays ont estimé après plusieurs jours de délibération que les pièces à conviction obtenues en mars 2008 dans le campement des FARC après le bombardement qui couta la vie à son dirigeant n'étaient pas recevable par un tribunal pour plusieurs raisons juridiques. La principale étant que ces "preuves illicites" ont été recueillies illégalement par des militaires, et non par des officiers de police judiciaire dument accrédités. Par ailleurs, la Cour Suprême rappelle que cette opération militaire elle-même était illégale, le bombardement ayant eu lieu en territoire équatorien, sans autorisation préalable des autorités de Quito, "violant un accord signé entre les deux pays".

Bogotá, le 11 janvier 2009. "Nous, les Hommes, sommes
prisonniers de nos propres inventions. Dieu bénisse le
donateur joyeux." Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Sans compter, ajoutent les magistrats, que "pas une autorité colombienne n'a soutenu, approuvé ou corroboré le contenu des courriers au cours du procès", propos visant implicitement l'ex-président de la République Álvaro Uribe Vélez, et le directeur de la Police Óscar Naranjo, interrogés par les juges durant la procédure, et qui n'ont jamais fourni de documents validant ces preuves. Enfin, il est souligné que les soit-disants liens entre Wilson Borja et les FARC ne sont établis que sur des documents Word et pas dans des emails, ce qui ne permet pas de démontrer qu'ils ont été envoyés ni reçus...

Voilà qui interrompt sans doute définitivement toute une série de procès annoncés et principalement basés sur les fameuses révélations extraites des ordinateurs du chef guérillero. Des révélations qui n'ont cessé d'apparaitre au compte-gouttes depuis trois ans, impliquant nombre de figures de l'opposition, parlementaires, mais aussi journalistes ou professeurs universitaires, et jusqu'aux gouvernements voisin d'Équateur et du Vénézuela, accusés au choix de financer les FARC ou d'être financés par elles (voir l'article du Monde.fr à ce sujet). Au point que le PC de Raúl Reyes était parfois ironiquement surnommé "la lampe d'Aladin" par les sceptiques soupçonnant les autorités colombiennes de créer des fausses preuves au gré de leurs besoins politiques du moment. Le jugement de la Cour Suprême critique d'ailleurs les fuites de documents et les campagnes médiatiques qui ont eu lieu autour de l'enquête.



Si les révélations sur la complicité présumée de Rafael Correa et Hugo Chavez, les présidents  équatorien et vénézuélien,  avec la guérilla d'extrême-gauche, avaient durablement brouillé les relations entre ces deux pays et la Colombie pendant la fin du mandat d'Álvaro Uribe, elles prenaient moins d'importance depuis l'arrivée au pouvoir de Juan-Manuel Santos. Celui-ci a en effet préféré oublier ces accusations, renouer des relations diplomatiques cordiales avec ses voisins, et surtout réamorcer les échanges économiques qui avaient sérieusement pâtis de la dispute.  Néanmoins, la publication le 10 mai 2011 d'un rapport par l'IISS (l'Institut International d'Études Stratégiques, basé à Londres) sur "Les dossiers des FARC : Vénézuela, Équateur et les Archives Secrètes de Raúl Reyes", immédiatement rejeté à Caracas comme à Quito comme étant une grossière propagande, venait de remettre la polémique au goût du jour , en affirmant notamment que les services secrets vénézueliens avaient fait appel à la guérilla colombienne pour supprimer des opposants politiques.

Barranquilla, le 21 février 2009. Participants au Carnaval déguisés en Raúl Reyes (à gauche), et Hugo Chavez.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Le jugement de la Cour Suprême, s'il ne se prononce pas sur le fond de la réalité ou non des supposées relations des FARC avec les gouvernements voisins ou avec des membres de la classe politique colombienne, invalide en tout cas la portée légale et judiciaire de ces accusations. Le premier bénéficiaire de ce coup de théatre est bien sûr Wilson Borja, qui était cité 45 fois dans les fameux courriers. L'ex-parlementaire, qui avait été délégué par du gouvernement Pastrana dans les négociations avec l'ELN, un autre mouvement de guérilla colombien, a annoncé qu'il allait engager des poursuites contre Álvaro Uribe et le procureur général Mario Iguarán, estimant que ces accusations l'ont pénalisé notamment  pour ce qui est de la perte de son poste de congressiste et dans ses chances de faire partie de la liste des trois remplaçants possibles de Samuel Moreno, suspendu du poste de maire de Bogotá il y a 2 semaines.

De son côté, Piedad Cordoba, dont la médiation avec les FARC a permis la libération de 17 otages depuis 2007, avait été destituée par le procureur général en novembre dernier de son poste de sénatrice du Parti Libéral et déclarée inéligible pour une durée de 18 ans, accusée d'apparaitre sous le nom de 'Teodora' dans des dossiers compromettants eux aussi tirés des ordinateurs de Raúl Reyes. Même si le jugement d'hier ne s'applique qu'au cas spécifique de Wilson Borja, l'ex-sénatrice veut y voir l'assurance qu'elle obtiendra l'annulation de la décision la concernant, et elle déclarait déjà dans la soirée d'hier sur son compte Twitter :

"Si la Cour Suprême  dit que les preuves avec lesquelles on m'a destitué sont illégales, que pensez vous qu'il se passera ?"

Bogotá, le 28 juin 2009. La sénatrice Piedad Cordoba et des membres du Parti Libéral participent à la Gay Pride sur la Septima.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre



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(1) La Farcpolitica est le nom générique donné aux liens présumés entre des hommes et femmes politiques et la guérilla marxiste des FARC, nom attribué en référence à celui de la Parapolitica, qui désigne elle les liens avec les paramilitaires d'extrême-droite, dans lequel plus de 60 congressistes ont été impliqués.


samedi 14 mai 2011

Santos et Uribe en prison ?

Surprenante déclaration du président de la République aujourd'hui à Buenaventura, qui mérite sûrement bien des commentaires, mais que nous nous contenterons pour le moment de citer et de laisser à l'appréciation des lecteurs. 

D'après un article d'El Tiempo, Juan Manuel Santos aurait en effet déclaré ne pas comprendre la polémique qui l'oppose à l'ex-président Alvaro Uribe Velez sur la reconnaissance ou non de l'existence d'un conflit armé en Colombie, un concept qui apparaitrait officiellement dans la Ley de victimas, la loi des victimes (nous avons déjà abordé cette question ici il y a une dizaine de jours). Selon le président, l'expression existe déjà "igualita", toute pareille, dans deux précédentes lois émises pendant le gouvernement de son prédécesseur, bien que celui-ci maintienne que reconnaitre un conflit armé dans le pays ouvre la porte à la reconnaissance d'un statut de belligérant aux différentes guérillas et qu'il défende plutôt l'usage de "menace terroriste". 

Mais Juan Manuel Santos ne s'est pas contenté de souligner le précédent passé inaperçu ou oublié par son contradicteur, il a également justifié la reconnaissance du conflit avec un argument peu banal :

"Si decimos que no hay un conflicto armado interno se restringe la capacidad de operación de nuestras fuerzas y el presidente Uribe, y quien fue su ministro de Defensa, hoy Presidente de la República, y los señores comandantes, nos vamos derecho a la cárcel, a la Picota".

"Si l'on dit qu'il n'y a pas de conflit armé interne, on restreint la capacité opérationnelle de nos forces ; et le président Uribe, celui qui  fût son ministre de la Défense, aujourd'hui Président de la République, et messieurs les commandants, nous allons droit en prison, à la Picota (la principale prison de Bogotá)"


Bogotá, le premier mai 2010. En marge du cortège syndical, des manifestants promènent un prisonnier à l'effigie du ministre
de la Défense Juan Manuel Santos. "Procès pour Uribe, maintenant ! Pour Santos, la prison, maintenant, pour crimes
contre l'humanité." Photo : D. Fellous/Libre arbitre

mercredi 4 mai 2011

La Colombie est en guerre !

La nouvelle ne manquera pas d'en surprendre plus d'un : oui, il y a un conflit armé en Colombie !

C'est ce qu'a déclaré aujourd'hui Juan Manuel Santos, ajoutant même que celui-ci existait depuis longtemps dans le pays... 

Bogotá, le 24 octobre 2006. "Si, en Colombie, il y a un conflit armé".
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Les plus perspicaces de nos lecteurs avaient sans doute eux-même déjà entraperçu quelques indices de l'existence de ce conflit, comme les milliers de victimes et les millions de déplacés par exemple, et nous ne leur ferons pas l'injure de prétendre leur apprendre grand chose avec ce scoop quelque peu réchauffé dévoilé par le président de la République colombienne. Au delà du sarcasme (facile, je le concède, dans le pays qui abrite la plus vieille guerre civile du monde), cette déclaration de Santos est tout de même une  vraie nouvelle, dont la portée est moins à chercher dans le contenu que dans le CV de l'auteur, qui fût quand même le ministre de la défense et dauphin attitré de celui qui passa justement ses deux mandats à marteler qu'il n'y avait pas de conflit armé en Colombie, mais seulement "une menace terroriste", un problème d'ordre public en somme. Des "événements", comme on nommait pudiquement la guerre d'indépendance algérienne jusqu'à récemment dans les manuels scolaires français (ce n'est qu'en juin 1999 que cette "opération de police" s'est officiellement vu attribué le qualificatif de guerre).

L'ex-président Alvaro Uribe Velez a d'ailleurs été ulcéré par cet aveu qui sonne comme un désaveu flagrant d'un des principaux emblèmes de sa politique. C'est  du moins ce que laisse supposer l'avalanche de messages rageurs et exaltés qu'il a aussitôt publié en réaction sur son compte Twitter. Pas moins de dix gazouillis en à peine une heure, autant dire que c'est un sujet qui lui tient à cœur, tous visant à assimiler la reconnaissance du conflit à une reconnaissance de fait des FARC comme acteur belligérant et non plus comme une organisation terroriste :  

  •  Ce n'est pas possible que la loi reconnaisse un conflit avec des terroristes narcotrafiquants qui attentent à la démocratie
  •  Pour de nombreux pays ce sont des terroristes, ils nous inondent dans le sang et maintenant ils leurs donnent une légitimité !
  •  Des guérillas sans narcotrafic dans d'autres pays ont combattu des dictatures, en Colombie avec narco elles attentent à la démocratie
  •  Les terroristes ne réunissent pas les éléments pour le statut de belligérance, pourquoi leur ouvrent-ils la porte ?
  •  Nous avons dédommagé les victimes sans reconnaitre les terroristes
  •  Il n'y a pas de raison légale pour lier réparation de victimes et reconnaissance de terroristes
  • Sans avoir besoin de reconnaitre le conflit, durant notre gvnt se sont démobilisés plus de 50 mille intégrants de groupes terroristes
  • Résoudre les problèmes sociaux n'implique pas de légitimer l'action destructive des terroristes
  •  Guérilla et paramilitaires détruisent l'État de Droit, personne n'a légitimé les paramilitaires, pourquoi maintenant la guérilla ?
  • La Colombie les reconnait maintenant, avant plusieurs gouvernements demandèrent à l'Europe, aux USA et au Canada de les déclarer terroristes
  
Si l'on connait les raisons, en partie personnelles comme l'assassinat de son père par les FARC, qui radicalisent le point de vue d'Alvaro Uribe Velez et l'ont poussé (avec d'ailleurs un indéniable succès d'opinion) à privilégier la solution militaire et à refuser de négocier avec la guérilla durant tout son mandat, on peut se demander pourquoi son successeur, qui incarne lui-même en partie cette politique de mano dura (main de fer) qui avait assis la popularité du gouvernement dans les classes moyennes et même dans un certain nombre de secteurs populaires, a décidé de se démarquer d'une stratégie à laquelle il doit en partie son élection.

Bogotá, le 4 janvier 2011. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
La réponse est sans doute multiple. Santos se défend de vouloir donner une légitimité aux FARC et déplace le débat sur le terrain de l'économique. Il explique que cette reconnaissance du conflit, qui s'inscrit dans le cadre de la Ley de victimas (Loi des victimes), vise à écarter des bénéfices octroyés par cette dernière les victimes de la délinquance commune pour réserver les indemnisations aux victimes du conflit, et pas du tout à donner un quelconque statut de belligérant à la guérilla. Balayant du même coup les critiques des uribistes sur le coût exorbitant qu'aurait le processus de réparation pour les caisses de l'État si toutes sortes de cas pouvaient se glisser dans un concept de victime aux contours trop flous.


Il n'empêche que, comme le souligne Alvaro Uribe, cette reconnaissance explicite du conflit, en entraine bien une autre, même si elle reste implicite, de l'adversaire comme belligérant et non comme terroriste. Ce tournant dans le discours gouvernemental, préalable nécessaire au retour des deux parties à la table des négociations - comme était nécessaire le processus de libération des otages dans lequel se sont engagées les FARC depuis la mort de leur chef historique, Manuel Marulanda - marque une nouvelle étape dans le conflit, et l'on peut à priori se réjouir de ce que la realpolitik l'emporte sur l'idéologie et ouvre la porte à la (perspective d'un espoir de processus de) paix.


Cependant, parmi son torrent d'imprécations plus passionnelles  qu'analytiques (mais c'est peut-être  en partie dû au format  tweet), l'avant-dernière remarque d'Alvaro Uribe Velez soulève involontairement un point intéressant qui pourrait donner lieu une interprétation bien plus machiavélique de la reconnaissance du conflit à travers la Ley de Victimas

"Guérilla et paramilitaires détruisent l'État de Droit, personne n'a légitimé les paramilitaires, pourquoi maintenant la guérilla ?" demande ainsi l'ex-président dans une relecture étrange de la déclaration de Santos, puisque celui-ci a reconnu le conflit armé en général et non la guérilla en particulier, ni n'a exclu explicitement les paramilitaires dudit conflit. Mais c'est précisément cette confusion qui souligne l'interprétation partiale qui pourrait découler du projet de loi de victimes. En effet, si pour Uribe, reconnaitre le conflit c'est uniquement légitimer la guérilla, ce à quoi n'auraient pas eu droit  les organisations paramilitaires, c'est parce que selon lui, il n'y a plus de paramilitaires depuis la démobilisation des AUC (Auto-défenses Unies de Colombie) dans le cadre de la loi Justice et Paix mise en place lors de sa présidence. Et même si tout le monde sait que l'activité paramilitaire est de nouveau en pleine croissance depuis quelques années, les anciennes organisations membres des AUC étant partiellement  réapparues sous de nouveaux noms, comme les Aguilas Negras ou les Rastrojos, la dénomination officielle à leur encontre à changé et l'on n'entend désormais plus parler de paramilitaires mais de "bandes émergentes", ou de Bacrim, (comme Bandes criminelles), un euphémisme qui renvoie de fait plus à la délinquance commune qu'à la participation au conflit armé.

Bogotá, le 14 décembre 2010. Pochoir de DJ LU.  Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Est ainsi ouverte la possibilité d'exclure du champ d'application de la loi les victimes des dites Bacrim, considérant qu'elles ne sont pas victimes d'une des parties du conflit mais de simples criminels de droit commun. Schématiquement, on garantirait ainsi l'indemnisation aux grands propriétaires terriens rackettés par la guérilla, tandis que le paysan chassé de sa terre par une "bande émergente" au service du même grand propriétaire se verrait gratifié d'un aimable que pena (désolé...) par la commission d'attribution. Un loi de victimes à deux vitesses, d'une certaine façon. Cette manœuvre aurait aussi pour effet de faire mécaniquement diminuer le nombre total des victimes annuelles du conflit et d'augmenter le pourcentage attribué aux FARC, puisque les statistiques officielles n'y incluraient pas les violations aux Droits de l'Homme causés par les paramilitaires, alors que celles-ci représentent plus de la moitié des cas recensés par les ONG indépendantes.

Il ne s'agit pas de condamner par avance une manipulation qui n'a pas encore eu lieu, ni d'attribuer au président Santos des intentions qu'il ne possède sans doute pas, mais simplement d'attirer l'attention sur le risques éventuels de glissement d'une reconnaissance du conflit à une négation du statut de victimes pour une partie d'entre elles afin de maintenir la vigilance sur ce thème et de s'assurer que la Ley de Victimas ne soit pas détournée de son objectif premier.



lundi 11 avril 2011

Lagrimas, le clip de Liz Porras Bernal sur son frère "Faux Positif"

Soacha, Octobre 2009. Liz, à coté de sa petite nièce Aïcha, a créé le groupe de rap Enigma Urbano avec son compagnon Helder Montaña
pour dénoncer la politique massive d'exécutions extra-judiciaires pratiquée par l'armée et dont son frère a été l'une des victimes.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
 
La chanson s'appelle Lagrimas, Larmes, et Liz l'a écrite en mémoire de son frère, Fair Leonardo, handicapé mental enlevé et assassiné par l'armée colombienne en 2008, puis présenté comme un guérilléro tué au combat, une pratique connue sous le nom de "Faux positifs", dont nous déjà parlé ici

Le clip , réalisé par David Muñoz a été présenté le 7 avril à la cinémathèque de Bogotá.



Pour en savoir plus, vous pouvez télécharger le pdf d'un article de Grazia, paru en novembre 2009 et qui traite du cas de Fair Leonardo, ainsi que d'autres victimes d'exécutions extra-judiciaires.

vendredi 1 avril 2011

La Colombie est une grande démocratie

Chocó, Avril 2010. Poisson pêché dans le rio San Juan.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Dans une tribune publiée le 28 mars par le Monde.fr sous le titre "La guerre de Libye révélatrice de la géopolitique latino-américaine", Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'IRIS nous apprend incidemment que :
 
"La Colombie", qui a voté au Conseil de
sécurité la résolution 1973, a déclaré son
président Juan Manuel Santos, "est toujours
derrière ceux qui défendent les libertés,
la démocratie et les droits de l'homme".

Sans vouloir faire le moindre commentaire sur cette déclaration du président colombien, ni rien rappeler de ses antécédents (il suffit de consulter les archives de ce blog), nous avons préféré attendre quatre jours jusqu'à la date d'aujourd'hui, qui nous paraît plus appropriée pour reproduire cette information...

lundi 14 mars 2011

Une contribution du sous-commandant Marcos

On a moins souvent de ses nouvelles, mais on aurait tort de croire que le sous-commandant Marcos n'a plus rien à dire d'intéressant. Certes, il s'agit du Mexique et non de la Colombie, mais les deux pays ont quelques similitudes, et l'on dit d'ailleurs qu'une partie des maux de la seconde se déplacent actuellement vers le premier. De toutes façons, le texte du porte-voix de la rebellion zapatiste, ne traite ni d'un pays ni de l'autre mais d'un sujet bien plus large, les guerres, et son propos est de nature à faire réflechir à diverses situations, avec comme à son habitude un humour tendre et féroce qui ne gâche en rien le plaisir. Bonne lecture.

(pdf en espagnol, hebergé par Rebelion.org)

Bogotá, le 25 février 2011. Tatouage du sous-commandant Marcos, de l'EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale, Mexique),
avec la légende "milicien anonyme" sur le bras d'un manifestant colombien contre l'exploitation aurifère.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

jeudi 13 janvier 2011

Plus de 200.000 victimes des paramilitaires en 5 ans...

Dans l'Espectador d'aujourd'hui, un article nous informe (même si ce n'est pas une nouveauté pour les défenseurs des droits de l'homme dans ce pays, il est positif que ce soit un média d''envergure nationale qui cite ces chiffres, et non une ONG susceptible d'être accusée de parti pris) que la Fiscalía (la police judiciaire, donc encore une fois une source difficilement contestable) répertorie entre 2005 et décembre 2010, tenez vous bien... 173.183 homicides et 34.467 disparitions forcées de la part des paramilitaires d'extrême-droite. Soit un total de plus 207.500 morts en 5 ans,  c'est à dire plus d'une centaine par jour !! Sans parler des cas non documentés, ni des "faux positifs" victimes de l'armée régulière... De quoi faire méditer sur le bilan de la "sécurité démocratique" mise en oeuvre pendant le mandat d'Alvaro Uribe...

Bogota, Colombie, 6 mars 2009. Manifestation devant le Sénat à l'appel du Mouvement des Victimes de Crimes d'État,
en mémoire des milliers de disparus et de victimes d'exécution extraduciaire. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

lundi 13 septembre 2010

"Je reviens tout de suite", Une exposition sur Carlos Pizarro.


Carlos Pizarro Léongomez était le dirigeant du M19, un des nombreux mouvements de guérilla colombien, qui a signé les accords de paix avec le gouvernement -  la démobilisation contre l'amnistie et l'organisation d'une assemblée constituante - qui ont abouti à la nouvelle Constitution de 1991. 

Bogotá, le 22 juillet 2010. Des manifestants hissent le drapeau du M19 face au Sénat
colombien, sur la statue d'un Simon Bolivar encagoulé, lors de la marche pour
la Deuxième Indépendance. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Une paix chère payée par le M19, dont des milliers de militants ont été victimes dans la décennie qui a suivi d'attentats, d'assassinats et de disparition forcée, à commencer par Carlos Pizarro lui-même, assassiné 48 jours à peine après son retour à la vie civile. 


Une exposition est organisée par sa fille sur le parcours de cette homme charismatique et ses efforts en faveur d'un processus de paix en Colombie, depuis sa désertion des rangs des FARC en 1973 (en laissant une note : "je reviens tout de suite...") jusqu'à sa mort en 1990 sous les 15 balles du sicario (tueur à gages) engagé par Carlos Castaño, alors dirigeant des AUC (Autodéfenses Unies de Colombie, groupe paramilitaire d'extrême-droite), en passant par la prise du Palais de Justice de Bogotá par un commando du M19 en 1985. 


Au Musée National (Kra 7 # 28-66) du 14 septembre jusqu'au 27 mars 2011.

samedi 8 août 2009

La paix cachée...

San Agustin, le 7 août 2009. "La paix est un droit de tous. Cherche-là !". Photo : D. Fellous/Libre arbitre

mardi 19 mai 2009

Des milliers de déplacés dans le parc du 3e Millénaire


8 août 2008. Maison de déplacés sur un terrain vague de la petite ville de Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la
Colombie, une des régions les plus touchées par le conflit armé. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

La Colombie est le deuxième pays au monde derrière le Soudan avec le plus grand nombre de déplacés, avec 4.000.000 de personnes (sans compter environ deux millions de réfugiés hors du pays) ayant du fuir leurs maisons pour trouver refuge dans des campements de plastique provisoires au bord des villes de province et jusqu'en plein centre de la capitale, Bogotá.

8 août 2008. Campement de déplacés près de Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la Colombie, une des régions les
plus affectées par le conflit armé. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Depuis le bord de la route, on croirait voir des serres ou des abris pour l'outillage des paysans, mais ces centaines de milliers de tentes abritent en fait des familles entières ayant fui la violence d'un conflit qui n'en finit pas d'ensanglanter les campagnes colombiennes depuis 50 ans. 


8 août 2008. Famille déplacée par la violence à Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la Colombie.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

"À la campagne on meurt de peur, à la ville on meurt de faim" résume un graffiti dans le parc du 3e millénaire, en plein cœur de Bogotá. Ce symbole de la rénovation urbaine édifié sur les ruines du plus célèbre bidonville de la capitale, à quelques pâtés de maison du palais présidentiel a été lui aussi envahi par des milliers de déplacés.

Bogotá, le 17 mai 2009. Des milliers de déplacés, fuyant la violence qui ensanglante les campagnes, se sont installés dans le
parc du 3e Millénaire, à quelques pâtés de maison du Palais Présidentiel.

Mais à la différence des ancien habitants du Cartucho, marginaux, toxicomanes, délinquants ou "lumpen-prolétaires" durablement enracinés dans la misère, la population des déplacés est constituée pour la plupart de familles laborieuses : populaires ou issues de la  classe moyenne. 

Bogotá, le 17 mai 2009. Famille de déplacés dans le Parc du Troisième Millénaire. Cette femme qui a déjà trouvé un petit
emploi  de femme de ménage a installé une poubelle (basura) à l'entrée de son abri. Photo : D. Fellous/Libre arbitre


Bogotá, le 17 mai 2009. Déplacée par la violence campant dans le
Parc du Troisième Millénaire. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Ces paysans, mineurs indépendants ou petits commerçants ont été surpris par l'arrivée dans leur région de la guerre entre militaires de l'armée régulière, paramilitaires d'extrême-droite, guérilleros d'extrême-gauche  et bandoleros des maffias criminelles, ou encore ils ont été chassés par des bandes armées au service de grands propriétaires ou d'industriels peu scrupuleux qui récupèrent ainsi - par la menace, l'achat forcé, l'assassinat des récalcitrants et même parfois par le massacre collectif - des territoires "inhabités" où développer projets miniers ou agricoles sans gêneurs. 





8 août 2008. Famille déplacée par la violence à Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la Colombie.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

 Ces déplacés qui ont souvent pu emporter une partie de leur mobilier avec eux, contrastent par leur attitude et leur aspect extérieur avec leur nouvel habitat précaire. 

Bogotá, le 17 mai 2009. Déplacés dans le parc du 3e Millénaire. Loin de se laisser abattre, celui-ci a déjà ouvert
son salon de coiffure. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

8 août 2008. Famille déplacée par la violence
à Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de
la Colombie. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Essayant souvent de retrouver une activité salariée ou de se créer un emploi indépendant dès que possible, leur énergie et leur bonne humeur face au mauvais sort ne peut qu'impressionner et troubler le passant.
 

8 août 2008. Famille déplacée par la violence à Samaniego, dans le Nariño,
au sud-ouest de la Colombie. Photo : D. Fellous/Libre arbitre


samedi 7 mars 2009

Quand l'armée colombienne assassine des civils pour faire du chiffre…

Novembre 2008, le commandant en chef de l’Armée colombienne Mario Montoya démissionne. Quelques jours auparavant, vingt-sept autres militaires dont trois généraux étaient destitués. Des témoignages établissent la responsabilité de l’armée colombienne dans l’enlèvement et l’assassinat de civils. Pour gonfler leurs statistiques dans la lutte contre les guérillas, des militaires gradés recourent aux “faux positifs” : des jeunes, pour la plupart, que l’on enlève et assassine pour les enregistrer ensuite morts au combat sous les couleurs de la guérilla… À ce jour, on compte au moins 1200 cas suspects de “faux positifs”.

Bogota, le 6 mars 2009. Manifestation contre la multiplication des "Faux Positifs", ces civils assassinés par l'armée
colombienne et présentés comme des guérilleros tués au combat. Photo : D. Fellous/Libre arbitre.

Le soldat Luis Esteban Montes n’en revient pas quand, le 30 avril 2007, il découvre que ses compagnons du 31ème Bataillon d’Infanterie anti-guérilla ont choisi par hasard son frère Leonardo. Ils l’ont prévenu quelques heures plutôt ; un jour férié approche, il va falloir « légaliser » quelqu’un. Un corps de guérillero aiderait à obtenir une permission… Quand son frère, bien loin de savoir ce qui se trame, arrive au campement, Luis tente de convaincre ses supérieurs de changer de victime. Mais rien n’y fait, il est trop tard, la décision est prise. Luis fait alors évader son frère et demande sa mutation. Mais trois jours plus tard, il apprend la mort de Leonardo. Il avait sur lui, dit-on, une arme et une grenade (1).

Cette histoire peut paraître incroyable. Elle n’est pourtant qu’un cas parmi de nombreux autres. Il a cependant fallu attendre fin septembre 2008, pour que quelques unes de ces morts suspectes attirent l’attention des médias et de la Justice. C’est le caractère organisé de l’affaire qui choque. Tout commence quand on déterre à Ocaña, département du Nord de Santander, dans le nord du pays, les corps de dix-sept jeunes des banlieues populaires de Bogotá. Ils avaient entre 17 et 32 ans et étaient portés disparus au cours de l’année 2008. Comme le raconte l’hebdomadaire colombien Semana, neuf d’entre eux ont en commun d’être reportés comme morts dans des combats contre la 15ème Brigade Mobile. Les enquêteurs du ministère de la Défense supposent un possible recrutement forcé des groupes armés irréguliers. Mais d’emblée un fait questionne cette hypothèse. Fin janvier, un sergent de cette brigade, par la suite exclu de l’armée, dénonçait aux instances judiciaires de quelles manières des militaires de sa brigade tuaient des civils pour les présenter comme guérilleros morts au combat. Il faut dire que cinq jours de repos étaient offerts aux soldats ayant réussi à tuer un ennemi...

Une étrange concordance des parcours suivis avant de mourir

La récente activation d’un système de recherche croisant le fichier des disparus avec celui des Médecines légales du pays est à l’origine des doutes sur les conditions réelles de la mort de ces dix-sept jeunes. De plus, les témoignages douloureux des familles incitent à penser que le chemin emprunté est similaire. Dans leur grande majorité, ils sont notifiés morts à peine un ou deux jours après leur disparition. C’est le cas pour Elkin Verano et Joaquim Castro, deux amis disparus ensemble le 13 janvier 2008 et enregistrés le 15 du même mois à la morgue d’Ocaña, c’est-à-dire à plus de sept cents kilomètres et dix-huit heures de Bogotá. En s’en tenant à la version des militaires, ils auraient participé à un combat à peine descendus du bus…

Julián Oviedo disparait le 2 mars. Cet ouvrier en bâtiment devait ce même jour rencontrer un homme pour un emploi dans une ferme. Sa mère, qui l’attendait pour dîner, ne l’a jamais vu revenir. Le 3 mars, il était enregistré mort au combat. Autres jeunes, même histoire. Victor Gómez, Diego Tamayo et Jader Palacio disparaissent le 23 août. Leurs cadavres entrent à la morgue d’Ocaña le 25. Chez lui, Victor avait expliqué qu’il partait « avec quelques gars pour la Côte », et qu’il reviendrait avec l’équivalent de 1300 euros (2) d’ici quelques jours. Diego, lui, avait laissé une lettre à sa mère : « Prends soin de toi et ne t’inquiète pas, je reviens lundi. »

L’appât d’une offre de travail serait à l’origine du départ. D’ailleurs, des “recruteurs” ont été aperçus avec des victimes quelques heures avant leur disparition. Six de ces recruteurs étaient détenus en novembre 2008 et reconnaissaient leur implication dans l’affaire des disparus des quartiers populaires de Bogotá. Deux d’entre eux sont des militaires à la retraite. À l’aide de leurs anciennes relations, ils avouent avoir mis en place une sorte d’organisation. Pour chaque individu livré, ils recevaient entre 200 et 330 euros, à la condition que ces “recrutés” viennent d’une région située à douze heures, au moins, de voyage par route. L’enquête révèle aussi que trois groupes de narcotrafiquants auraient passé un accord avec des militaires. En échange des recrutements, ils obtenaient toute liberté pour mener à bien leurs opérations. Un autre homme, démobilisé d’un groupe paramilitaire d’extrême droite, opérait sur la Côte.

Un millier de militaires compromis

Bogota, le 6 mars 2009. "Plus de Faux Positifs".
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Les hommes enlevés venaient de quartiers pauvres ; certains avaient aussi un passé judiciaire ou étaient connus pour leur consommation de drogue. Ce qui laisse penser qu’en plus de servir les intérêts de certaines brigades, une entreprise de nettoyage social s’organisait impunément depuis l’armée, pilier de l’État colombien. Aujourd’hui, l’enquête sur les faux positifs à travers le pays s’intéresse à la mort d’environ 800 personnes sur une période de six ans. À ce jour, 46 militaires ont été condamnés et 952 autres sont liés à l’instruction, tout comme 21 policiers et 24 autres personnes. Mais les chiffres donnés par les ONG sont bien plus inquiétants. La Coordination Colombie Europe États-Unis (CCEEU), qui regroupent 199 organisations travaillant sur les violations des droits de l’Homme, parle de 955 exécutions extrajudiciaires imputables à la Force Publique entre 2002 et 2007. La CCEEU évoque aussi les 235 disparitions forcées pour lesquelles on reste sans nouvelles.

Mais peut-on réellement connaître le chiffre de cette macabre statistique ? Un ensemble de documents déclassés de l’administration étasunienne et révélé par l’organisation National Security Archive laisse penser que le recours aux faux positifs est une pratique ancienne. Dans un rapport émis en 1990, l’ambassadeur de l’époque, Thomas McNamara, soulève de sérieux doutes sur les conditions qui ont amené l’armée colombienne à tuer neuf personnes. En effet, un juge militaire avait alors pu constater que les trous observés sur les uniformes ne correspondaient pas aux blessures par balle des supposés guérilleros… Un autre ambassadeur, Myles Frechette, rapporte en 1994 que cette mentalité de faire du chiffre persistent chez les officiers de l’armée colombienne [télécharger pdf]. « Les officiers qui ne peuvent pas montrer des antécédents d’une activité anti-guérilla agressive (laquelle étant cause de la majorité des violations des droits de l’Homme de la part de l’armée) se désavantagent au moment des promotions » (3). Et, en avril 2008, l’ONU commente dans son rapport sur la violation des droits de l’Homme en Colombie que les faux positifs seraient motivés « par l’intérêt de membres de la Force Publique d’obtenir des bénéfices et reconnaissances ».

Avant l’éclatement du scandale des disparus de septembre 2008, les possibles cas de faux positifs étaient le plus souvent écartés par le gouvernement. On lui préférait la version du recrutement forcé par les guérillas, agitant une nouvelle fois l’épouvantail terroriste. Juan Manuel Santos, ministre de la Défense miraculeusement épargné, explique aujourd’hui préférer « une démobilisation à une capture et une capture à un mort ». Mais commentant les récents documents déclassifiés, il n’y voit que l’action de certains très intéressés à “gonfler” les problèmes de droits de l’Homme que connaîtrait le pays… Reste qu’aujourd’hui l’armée colombienne, dont on ne connaît en France que les “exploits” accomplis pendant la libération d’Ingrid Bétancourt, est prise dans un vaste processus judiciaire qui permettra peut-être de remonter aux véritables responsables de ce terrorisme d’État.


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(1) Témoignage recueilli par Semana, 25 octobre 2008. retour

(2) Le salaire minimum mensuel est d’environ 150 euros en Colombie. retour

(3) Voir aussi les commentaires d’un commandant de l’Armée colombienne qui reconnaît en 1997 l’existence d’un « syndrome du comptage de corps » dans l’Armée qui « tend à alimenter les atteintes aux droits de l’Homme par des soldats bien intentionnés qui essayent d’atteindre leur quota pour impressionner leur supérieurs » [télécharger le pdf] retour.

Cet article a été initialement publié dans Basta ! le 20 janvier 2009.