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Bogotá, le 1er mai 2008. Panneau à la mémoire de militants de l'Union Patriotique, disparus ou assassinés à la fin des années 80.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Le site de l'hebdomadaire
Semana rapporte que lors d'un séminaire sur la disparition forcée se déroulant hier à Bogotá, le représentant en Colombie du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l'Homme (
OHCHR) Christian Salazar a révélé que le parquet colombien aurait connaissance de plus de 26.500 cas présumés de disparitions forcées dans le pays, sur un total de 57.200 disparitions documentées par le Registre National des Disparus au cours des trois dernières décennies, des chiffres qui indiquent "
une ampleur terrifiante" du phénomène.
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Bogotá, le 1er mai 2008. Des manifestants ont jetés
des os ensanglantés sur les marches du Sénat.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Ayant rappelé que la spécificité des
disparitions forcées, en comparaison d'une "simple"
disparition, est qu'elles sont "
commises par des agents de l'État et les forces paramilitaires qui collaborent avec elles", et souligné qu'elles étaient "
une des violations aux Droits de l'Homme les plus graves qui existent et que la Colombie, malheureusement, souffre d'un record alarmant dans l'exécution de ce crime", Christian Salazar a déploré le peu de réceptivité du Ministère de la Défense et de l'armée colombienne aux multiples recommandations émises par son bureau les enjoignant de mieux collaborer avec la Justice et d'aider à identifier les disparus. "
Les opérateurs judiciaires en Colombie possèdent le cadre normatif qui leur permet de remplir l'obligation d'enquêter, juger et sanctionner les responsables de disparition forcée", a-t-il dit, citant différentes conventions internationales relatives aux Droits de l'Homme ratifiées ces dernières annnées, mais "
la lutte contre l'impunité n'a pas connu les mêmes progrès". Détaillant les données détenus par le parquet, qui font état de 3.000 femmes et autant de jeunes de moins de 20 ans parmi les victimes, le représentant de l'ONU a répété que la Colombie était l'un des pays d'Amérique Latine et du monde comptant le plus de disparitions forcées. Près de 4500 de ces disparitions ont été avouées par des ex-paramilitaires en contrepartie d'une amnistie ou de réductions de peines lors du processus de démobilisation dans le cadre de la loi "Justice et Paix" votée en 2005. Apparues dans les années 80, ces milices paramilitaires, financées par le trafic de drogue mais aussi parfois subventionnées par de grands propriétaires terriens et même par certaines multinationales, se sont pour la plupart regroupées au milieu des années 90 au sein des AUC (Autodéfenses Unies de Colombie). Censées combattre la guérilla, elles ont la plupart du temps mené une guerre d'assassinats et de massacres, ciblant les membres de la population civile suspectés de collaboration ou même de sympathie avec la subversion, ce qui englobait - bien au delà des insurgés - syndicalistes, journalistes, militants d'ONG, leaders communautaires, juges, intellectuels de gauche, humoristes, militants politiques, et le plus souvent simples paysans et leurs familles. Des dizaines de milliers de morts, souvent démembrés à la tronçonneuse et parfois même brûlés dans des fours crématoires.
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Photomontage : © D. Fellous/Libre arbitre |
Les révélations sur ces plus de 25.000 cas de disparitions imputables à la Force Publique venant donc peu après celles concernant les
173.000 cas d'assassinats commis par les paramilitaires documentés entre 2005 et 2010 par la Justice colombienne, il semblerait que le silence concernant la
Guerra Sucia (guerre sale), jusqu'ici à peine troublé par le travail incessant des quelques ONG travaillant sur le sujet et de journalistes ou militants locaux payant trop souvent de leur vie leur engagement, il semblerait , donc, que cette chape de silence soit en train de se fissurer au niveau national et international. Il serait plus que temps.
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