lundi 23 mai 2011

Des néos-nazis en Colombie

Le numéro du mois de mai de Don Juan (un genre de Newlook en plus soft) entraine ses lecteurs au cœur de la nébuleuse néo-nazi colombienne. Dans un reportage qui hésite entre stupéfaction, inquiétude et ironie, le journaliste Daniel Vivas Barandica et le photographe Juan Pablo Gutierrez nous font pénétrer les coulisses du parti Tercera Fuerza Nación (Troisième Force Nation), le plus important groupe néo-nazi colombien, à l'occasion de la commémoration de l'anniversaire de naissance d'Adolf Hitler célebré dans un hôtel de la capitale le 16 avril dernier.

Barranquilla, le 21 février 2009. Un homme déguisé en Adolf Hitler pendant un défilé du Carnaval. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Pour ceux qui, comme l'auteur de cette note, sont originaire d'un pays européen où ce genre de folklore nauséabond est interdit et l'apologie du Troisième Reich susceptible d'entrainer des poursuites judiciaires, la découverte du fait que des organisations se réclamant ouvertement nazies aient pignon sur rue peut surprendre, et même choquer. Malheureusement, Colombia Tierra Herida avait déjà eu l'occasion de se rendre compte de la relative intégration de ces mouvements dans la population colombienne, notamment lors de la marche pour la libération des otages aux mains de la guérilla des FARC, le 20 juillet 2008, à laquelle s'était joint un cortège relativement conséquent de Tercera Fuerza Nación.

Bogotá, le 20 juillet 2008. Néo-nazis du parti Tercera Fuerza Nacion pendant la marche pour la libération des otages des FARC.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Arborant des croix gammées sur leurs bombers, agitant des drapeaux frappés de la croix celtique et exécutant force saluts romains, la petite centaine de cranes rasés qui défilaient sous des banderoles "Colombie réveille-toi" ou "Socialisme national" n'avaient pas été rejetés par les autres manifestants, certains allant même jusqu'à les applaudir lorsqu'ils criaient des slogans comme "Ni droite, ni gauche, une seule nation".


Barranquilla, le 21 février 2009. Un homme déguisé en Adolf Hitler se fait offrir
un verre de rhum par un spectateur. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Plus troublant encore, lors du Carnaval de Barranquilla en février 2009, on avait pu remarquer un homme déguisé en Hitler se pavanant sur le parcours des défilés en levant le bras droit. Même avec l'alibi possible de la parodie, et sachant, tout étant permis carnaval oblige, que l'on pouvait voir nombre de costumes de guérilleros des FARC et de paramilitaires au milieu des Uribe, des Chavez, ou des Ingrid Betancourt, il y avait quelque chose de différent avec ce personnage. Tout d'abord la tradition veut plutôt que les déguisements "politiques" soient liés à l'actualité, nationale ou internationale, (cette année-là par exemple, il y avait beaucoup de Barack Obama, récemment élu, ou de David Murcia Gomez, le responsable de la gigantesque escroquerie pyramidale qui avait ruiné plusieurs départements et nourri la chronique judiciaire des derniers mois). Surtout son attitude tranchait avec les autres, il affichait une fierté et une jubilation manifeste, qui laissait supposer qu'il profitait de l'occasion pour crier haut et fort ce qu'il taisait toute l'année, et que contrairement au reste du monde, le jour du carnaval était le seul où il ne se déguisait pas. Ici non plus,  l'homme ne paraissait pas soulever la moindre gêne chez les spectateurs, nombreux se pressant pour le saluer, lui offrir à boire ou se faire photographier à ses côtés. Groß Rigölad !! Un historien allemand nous résumait récemment ses recherches faisant apparaitre une forte influence de l'idéologie nazie en Colombie jusque plusieurs années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale - un héritage qui serait encore particulièrement vivace dans l'armée - et qui pourrait expliquer la permanence de ce courant de pensée dans le pays et la quasi bienveillance dont il bénéficie de la part d'un secteur de l'opinion. Nous lui demanderons s'il veut bien nous éclairer sur le sujet avec un article pour Colombia Tierra Herida.
 

Bogotá, le 28 juin 2009. Contre-manifestation du groupuscule d'extrême-droite Tercera Fuerza Nación le jour de la Gay Pride.
"Par respect aux familles et à nos enfants colombiens, plus de tolérance avec l'anti-naturel". Photo : D. Fellous/Libre arbitre


Bogotá, le 28 juin 2009. Les participants à la Gay Pride conspuent les quelques
militants néo-nazis venus les insulter. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
On se rassurera tout de même quand au degré de pénétration réelle de ce genre d'idées dans la société civile colombienne en observant que lorsque le groupuscule cité plus haut convoque en juin 2009 une contre-manifestation le jour de la Gay Pride à Bogotá pour stigmatiser les "anti-naturels", ils rassemblent péniblement une vingtaine de skin-heads, et restent retranchés derrière un cordon de  policiers face aux quolibets de dizaines de milliers de manifestants pour la tolérance et la diversité.


Ouf.



 
PS : Pour le titre j'avais pensé à plusieurs bons mots, comme "Têtes propres et mains hautes", "Crâne pas, t'es chauve !",  "Hitlérien à battre", ou "Enquête de mollesse skin" mais comme en fait ça ne me fait pas tant rire que ça (je parle du sujet, bien sûr, pas de mes calembours qui sont excellents...), j'ai finalement opté pour du purement factuel.
 

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