lundi 30 mai 2011

Ainsi va la vie à Villa de Leyva...


Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Le couvent du Santo Ecce Homo. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Villa de Leyva, à quelques heures de route au nord de Bogotá, dans le département du Boyaca, est une destination classique pour s'échapper de la capitale le temps d'un ou deux jours. Incontournable absolu des guides touristiques, et jouissant auprès des colombiens eux-même d'une réputation plus que favorable, la petite ville possède en effet une architecture coloniale charmante, et bénéficie d'un climat agréable et d'une tranquillité à toute épreuve, à peine troublée le week-end et pendant les vacances par des visiteurs en plus grand nombre que durant la semaine. 

Villa de Leyva, le 14 avril 2009. La Plaza Mayor. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Malgré ce premier tableau enchanteur, force nous est de dire que Villa de Leyva n'a pas non plus suscité chez nous l'enthousiasme su-cité... La dépendance de l'économie locale dans le tourisme ; le contraste du passé suggéré par les vieilles pierres avec les tourniquets à cartes postales ou les menus en trois langues ; les excursions proposées par les chauffeurs de taxis, toutes identiques et soutenues par des classeurs-programmes illustrés de photos des sites à visiter ; tout ça donne à la ville des allures un peu artificielles, à l'image de Saint-Malo ou de la cité de Carcassonne. Quand à l'indifférence blasée des habitants, ou à l'amabilité forcée des commerçants, elles tranchent si nettement avec l'attitude habituellement rencontrée en Colombie, qu'elles font craindre que le développement accéléré du tourisme n'entraîne progressivement partout cette effacement du caractère si ouvert, curieux et joyeux qui prédomine dans ce pays que le fléau de la guerre civile à jusqu'ici relativement protégé de cet autre fléau qu'est le tourisme de masse (sans bien sûr vouloir comparer la gravité de leurs conséquences respectives). 
 
Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Ceci étant dit, et même si pour notre part nous n'en faisons donc pas une destination prioritaire pour le voyageur limité par le temps dans son exploration de la Colombie, il n'en demeure pas moins que l'on peut bien trouver de quoi s'occuper plaisamment quelques jours, en  faisant de Villa de Leyva une base pour visiter la région et profiter pour reprendre des couleurs de la fin tant attendue de la Niña (ce phénomène climatique qui a apporté six mois de pluies presque ininterrompues sur la Colombie, entraînant de lourds dégâts matériels et de nombreux déplacements et autres drames humains).

Photomontage : © D. Fellous/libre arbitre

La grande place carrée de 14.000 m2 qui fait l'orgueil de la ville pour être une des plus grande du continent a pour originalité de s'appeler Plaza Mayor, et non Simon Bolivar, ni même Antonio Nariño, l'un des pères de l'indépendance colombienne, qui vécut et mourut dans une maison située à quelques dizaines de mètres, transformée aujourd'hui en musée. Autour de la place, quelques églises et une pléiade d'autres petits  musées, historiques, artistiques ou religieux nourriront les appétits culturels les plus féroces. Le reste des rues est occupées par moult hôtels et restaurants qui fourniront ainsi des nourritures matérielles tout aussi nécessaires que celles de l'esprit.

Villa de Leyva, le 14 avril 2009. "Observatoire astronomique" précolombien Muisca. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
  
Quand vous aurez fait trois fois le tour de toutes les rues de la ville, ce qui ne prendra pas longtemps même en flânant, vous vous déciderez sans doute à sortir de la ville pour vous aventurer dans les environs. Plusieurs sites intéressants se trouvent dans un périmètre restreint, permettant de les enchainer dans un même mouvement. À commencer par une trentaine de monolithes dressés dans un champ, et qui servaient apparemment aux Muiscas précolombiens de calendrier astronomique (en mesurant l'ombre des pierres ils déterminaient les saisons pour les semailles) et de sanctuaire religieux, renommé El Infiernito, le petit enfer, par les espagnols lors de la colonisation, peut-être en raison de la forme ouvertement phallique de certaines de ces pierres.

Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Monolithes phalliques sur un ancien site religieux Muisca. Photo : D. Fellous/Libre arbitre


Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Fossile de Kronosaurus.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Non loin de là, on peut observer un fossile très bien conservé de reptile marin préhistorique, ancêtre de nos crocodiles : un bébé Kronosaurus figé dans la pierre il y a environ 120 millions d'années, se distinguant par ses 8 mètres de long (l'animal en faisait 12 mais la queue n'a pas été conservée) des dizaines de milliers de fossiles découvert dans la région. En effet, bien que ces plateaux aient été depuis élevés à plus de 2000 m d'altitude par quelque mystère de la géologie dynamique, ils formaient  pendant le Mésozoïque - plus précisemment sur sa fin de celui-ci, dans le Crétacé, c'est à dire il y a quand même un bail - le bassin d'une mer primitive et aujourd'hui disparue.




Des fossiles, il y en a d'ailleurs tellement qu'on peut en voir par milliers à même les pierres utilisées dans l'architecture locale, comme par exemple dans les dalles qui forment le sol du Saint Ecce Homo, et même dans le socle d'une statue située dans la chapelle de ce couvent dominicain fondé en 1620 à une quinzaine de kilomètres de Villa de Leyva, et aujourd'hui partiellement transformé en musée. 

Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Détail du dallage du couvent Santo Ecce Homo. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Présentant une large collection de tableaux, de sculptures et d'images pieuses, ainsi qu'un superbe retable doré, le musée possède également une partie plus ethnologique mêlant des reconstitutions de la vie monacale, de l'outillage agricole d'époque, et  des costumes et objets appartenant à la culture des indiens Muiscas. Les statues religieuses y sont sanguinolentes à souhait...

Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Le couvent du Santo Ecce Homo. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Villa de Leyva, le 14 avril 2009. Olivier centenaire dans les jardins
du couvent Santo Ecce Homo. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Profitant d'un climat sec et agréable, vous pourrez aussi multiplier les promenades dans les collines environnantes, parsemées ça et là de quelques oliviers, vestiges oubliés de la destruction massive des oliveraies colombiennes ordonnée au XVIe siècle par la Couronne en raison de la concurrence sur l'huile d'olive que la colonie risquait alors d'exercer avec la production espagnole. La plus grande plantation restante dans le pays, peut-être observée au sud de Villa de Leyva, sur la route de Sutamarchan. Ceux que la nature vierge inspire plus que l'agriculture dirigeront plutôt leur pas vers les jolies cascades d'El Hayal ou de la Periquera, ou pousseront jusqu'aux lagunes et aux paramos couverts de frailejones du Sanctuaire de Faune et de Flore de Iguaque, une petite réserve environnementale d'altitude.

Si le fossile de Kronosaurus à éveillé en vous des désirs de voyage dans le temps, sachez également qu'un original a ouvert il y a peu dans les parages une espèce de Jurassic Park kitsch, avec des répliques grandeur nature de dinosaures et d'animaux préhistoriques de toutes sortes disséminées in-situ sur un vaste terrain vallonné. Cela reste cependant d'un intérêt assez limité, et seuls les enfants ou ceux qui ont su le rester trouveront vraiment à s'y amuser.

Sachica, le 13 janvier 2010. Gondava, la grande vallée des dinosaures. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Enfin, si vous êtes motorisé et qu'une à deux heures de voitures ne vous font pas peur, nous ne pouvons que vous inciter, sans aucune réserve cette fois, à vous rendre jusqu'à la superbe Laguna de Tota, une cinquantaine de kilomètres à l'est, et à vous prélasser sur son incroyable plage de sable blanc à 3.000 mètres d'altitude.

Plus d'infos, notamment historiques,  sur Villa de Leyva sur le site (en espagnol) des Parcs Naturels de Colombie.


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