Si vous avez arpenté la vieille ville de fond en comble, que les souterrains du Castillo de San Felipe de Barajas n'ont plus de secrets pour vous, que vous avez épuisé les charmes de Playa Blanca et de l'archipel du Rosario, et que vous avez même été jusqu'à grimper au Couvent de la Popa pour admirer le paysage en compagnie de la Vierge de la Candelaria, vous pensez peut-être en avoir fini avec les passages obligés d'un premier séjour à Cartagena ?
Santa Catalina, le 20 avril 2009. "El Totumo", le volcan de boue près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Et bien pas du tout, et pour régénérer votre corps fatigué par toutes ces excursions, votre peau sérieusement brûlée par le soleil impitoyable des caraïbes et votre foie rudement mis à l'épreuve par la consommation immodérée de riz coco (et peut-être aussi un peu par les quelques rhums avalés entre deux salsas au Quiebra y Canto), nous vous invitons aujourd'hui à une séance de fangothérapie, c'est à) dire, pour parler un français plus accessible, à vous vautrer dans la boue comme des porcs. Mais attention, pas n'importe quelle boue, celle d'un volcan !
Santa Catalina, le 20 avril 2009. Dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
D'un volcan de boue plus exactement, une formation géologique plutôt rare, également appelée salse, et qui provient d'émanations d'hydrocarbures liquides et de gaz carbonique, formant une petite colline d'argile couronnée d'un cratère de boue tiède et épaisse. Enfoncés, les spas et autres centres de thalassothérapie qui vous proposent à prix d'or des séances dans une baignoire, ou au mieux une piscine, remplie de boues marines filtrées et soit-disant enrichies en oligo-éléments. Ici vous vous immergerez directement dans la cheminée du volcan, avec plusieurs centaines de mètres de profondeur de boue sous les pieds...
Santa Catalina, le 20 avril 2009. Dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Situé à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Cartagena, entre les villages de Piojó et de San Catalina, le volcan de boue El Totumo surplombe le lagon de Galerazamba. Haut d'une petite vingtaine de mètres, un escalier de 53 marches de bois mène au sommet de ce monticule de boue séchée et donne accès au cratère, dans lequel surnagent des touristes à la recherche de sensations originales, ou peut-être confiant dans les vertus thérapeutiques annoncées de la séance. Car la boue du Totumo est très riche en minéraux comme l'aluminium, le magnesium ou le fer (vous pouvez voir sa composition chimique complète sur la page de Wikipedia consacrée au volcan) et elle est supposée avoir des propriétés curatives dans plusieurs domaines comme l'arthrose, les rhumatismes, les ulcères, les maladies dermatologiques et les carences en oligo-éléments. Des cures sont également préconisées en traitement complémentaire dans des cas d'affections neurologiques (hémiplégie ou paraplégie), comme dans le cas de ce vénézuelien paralysé des membres inférieurs et amené par sa famille pour profiter d'un moment de détente et d'oubli du handicap.
Car au delà du soin éventuel, le bain est rafraichissant et l'expérience, comme suspendu en apesanteur dans un cocon épais, est plutôt étrange mais agréable. La densité de la boue empêchant de s'y enfoncer quelque effort que l'on fasse, il n'est nulle noyade à craindre, et l'on peut paresser en faisant la planche dans la fange, siroter une bière en jouant au morpion, ou même, pour les plus téméraires (et pour quelques milliers de pesos), se faire vigoureusement malaxer les vertèbres par un des masseurs qui barbotent toute la journée dans le volcan.
Santa Catalina, le 20 avril 2009. Partie de morpion dans le volcan de boue El Totumo près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Une fois sorti, on est transformé en golem, et il faut faire un petit détour par le lagon pour retrouver une apparence humaine, avant de s'arrêter pour un almuerzo (déjeuner) et un café dans l'une des baraques en bois du hameau, afin de se remettre de tous ces efforts, de contribuer un peu à la précaire économie locale, et surtout de se faire raconter la légende locale, qui veut que le volcan ait autrefois craché de la lave et non de la boue, jusqu'à l'intervention d'un moine ayant éteint ce feu diabolique avec son flacon d'eau bénite. Amen. Puis il sera temps de retourner à Cartagena sous peine d'être à la merci des tarifs abusifs du cartel des motos-taxis, les derniers bus repartant vers 15h.
Santa Catalina, le 20 avril 2009. Après un bain dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Enfin retourner à Cartagena... ou à Barranquilla. Car, pour la petite histoire, deux départements se disputent le potentiel touristique du volcan. Si il est géographiquement situé dans le Bolivar, face à la Cienaga de Totumo, la plus grande partie de cette dernière appartient à l'Atlantico, qui vient d'annoncer la construction d'une route la reliant à Barranquilla, la capitale régionale, et qui desservira également le volcan. Simultanément, on l'a inclus dans les guides de la ville, et on a escamoté le panneau de sortie de l'Atlantico à la frontière entre les deux départements. Il n'en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres, et pour bien réaffirmer ses droits sur le site, le gouverneur du Bolivar et tout son cabinet sont immédiatement grimpé sur le tas de boue y planter l'étendard du département et lire un communiqué s'indignant des manœuvres du voisin. Lequel a répondu aussitôt par la voix d'un de ses sénateurs que le panneau avait été simplement emporté par une rafale de vent et que le gouverneur du Bolivar ferait mieux d'essayer de se maintenir à son poste, lequel serait aussi fragile que la pancarte, plutôt que de s'inventer des conflits imaginaires.
Santa Catalina, le 20 avril 2009. Dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre |
Le maire de la commune, lui, s'est félicité de l'intérêt soudain manifesté par les responsables politiques pour le volcan et il a tenu à réconcilier tout le monde :
"Espérons qu'à cette occasion se concrétisent les projets de développement annoncés pour Santa Catalina et sa région, qui a bien besoin de l'action gouvernementale, et dont le potentiel touristique a été sous-estimé, tant par le Bolivar que par l'Atlantico."
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